Un rayon de soleil (pv)

Le soleil frappait doucement sur les cailloux qui pavaient le chemin. Un peu troublée, encore, ses bras ramenés contre son ventre en signe de protection, Takō regardait autour d'elle, tentant d'enregistrer un maximum d'informations. Elle avait fait un terrible cauchemar et le réveil n'était pas des plus doux... Était-elle seulement réveillée ?

Elle le savait, inutile de le nier, elle était morte ! Une seconde fois, qui plus est. Un rire nerveux la parcouru. Combien de fois allait-elle...
Autour d'elle, rien de familier. Était-elle loin de son hôtel et de son parc d'attraction ! De cette grande roue qu'elle hantait... Et d'Akira.
Son cœur lui fit mal, une petite seconde, alors qu'elle se rappela qu'elle était seule. Rien de sa fougue habituelle, de sa haine ni de sa rage ne transparaissait alors qu'elle n'était qu'une petite fille perdue et désorientée.
Et ses cauchemars avaient étés si méchants avec elle... Elle attrapa une des lourdes mèches de ses cheveux et la frotta nerveusement, passant et repassant les doigts dedans pour tenter d'aller mieux.

Aujourd'hui, les rues étaient désertes et abandonnées. Hier, elle avait croisé quelqu'un mais aujourd'hui, elle n'avait personne sur qui compter et elle aurait dû en avoir l'habitude mais elle ne parvenait pas à se réconforter. Aujourd'hui, c'était terrible comme elle avait peur.
Et comme elle ne pouvait rester ainsi.


Une ombre, un peu plus loin, une personne qu'elle fini par apercevoir. Courant vers elle, pauvre enfant en proie à la crainte, elle ne tarda pas à rejoindre l'individu.

Il ne disait rien et elle de le regarder avec ses grands yeux ronds. Pinçant ses lèvres, elle fini par détourner la tête. Ce n'était pas l'apparence de l'individu qui l'intimidait, certes non, elle avait déjà vu bien plus étrange. Comme ces êtres dans le cirque qu'elle avait côtoyé un temps lorsque... Ah.
Elle le comprenait, désormais. Elle s'était fait piégée. Ce nécromancien, Natsiq, l'avait eu en beauté. Et elle, tout du long, elle avait marché dedans, croyant que chaque action était de son fait alors qu'elle avait été... Manipulée. Cette réflexion ne lui rappela qu'avec plus d'intensité les circonstances de son exorcisme: Elle avait laissé son Prince Charmant sur place !

<< Il faut que je rentre chez moi. >> Statua Takō. Attrapant la manche de l'individu, encore surprise par la facilité d'un tel contact physique, la demoiselle fronça les sourcils. << Il y a quelqu'un qui m'attend. Comment on part d'ici ? >> Qu'il soit là depuis aussi peu de temps qu'elle ne lui effleura même pas l'esprit.

Il y avait bien un moyen de rentrer chez soi. Rester ici, à déprimer, n'était pas au programme. Cogitant seule, ses doigts frappaient nerveusement le pan de sa robe, ses yeux regardaient dans un sens, puis dans l'autre, à la recherche d'une idée qu'elle ne voyait pas. Elle n'avait même pas le moindre indice de l'endroit où elle se trouvait !
C'était ce type, qu'elle avait brièvement croisé hier, qui lui avait d'ailleurs raconté de drôles de mensonges -'aucun moyen de s'en aller', mais bien sûr !- qui ne lui avait pas assez bien expliqué la situation. Ou les règles du jeu, en vérité. Takō aimait bien considérer l’entièreté de son existence comme un jeu. C'était le bon moment pour elle de penser ainsi, car dans le cas contraire elle risquait rapidement de perdre pied avec la réalité. Ce type, qu'elle avait croisé, du coup, avait certainement d'autres informations à lui confier. Il fallait le retrouver !

Il ne savait pas lui non plus. Takō grimaça. Tout cela était largement au delà de ses capacités. Elle n'était pas des plus instruites, pas des plus intelligentes. Elle agissait par pulsions et, jusqu'ici, ça lui avait suffit vu que sa seule occupation avait été de briser le toquant des clients de l'hôtel qu'on avait construit sur son ancienne maison.
Elle n'avait pas cette capacité à s'adapter, pas plus que la force de le faire. Sans soutien, à nouveau, coupée du monde, elle aurait été plus proche de pleurer que de se battre vaillamment.

<< Il y a quelqu'un. >> Murmura-t-elle d'une voix faible. << Que j'ai croisé hier. Qui doit savoir quelque chose. >> Le village était désert, il n'allait pas être dur à retrouver. Elle allait proposer à l'autre inconnu de se séparer pour le retrouver, mais quelque chose d'anormal la coupa net dans son élan.
Un grognement, que dis-je, un hurlement gargantuesque s'échappant du tréfonds de ses entrailles ! L'estomac de Takō gargouillait.
Et la chose la surpris plus que de coutume. Elle resta coite à observer bêtement son ventre. Comment pouvait-elle avoir faim...? Elle était morte ! Oh non, elle n'aimait pas ça ! Ça devait être lié au fait d'être matérielle et c'était pas bon signe du tout du tout. Son teint devenant soudain pâle, Takō réalisait ce qu'elle avait tenté d'évader de ses pensées depuis son arrivée; la veille: Elle était à nouveau mortelle. Elle pouvait à nouveau souffrir, être blessée... Saigner.
Sa main se porta par réflexe sur sa gorge. Elle n'y senti aucune cicatrice ni plaie béante.

Elle repris ses esprits. Il suffira de faire attention.
<< Vu qu'il n'y a personne... >> Elle commença à chercher activement quelque chose dans la rue. Elle était sûre et certaine d'avoir vu un restaurant peu loin. << Ça ne dérangera pas si on se sert. >> Puis que ça dérange quelqu'un, elle s'en fichait entièrement. Retrouvant le dit-bâtiment, un fast-food beaucoup trop ancien pour qu'elle en connaisse les codes, Takō en ouvrit la porte sans hésiter. Elle pénétra dans le bâtiment sans vérifier si l'elfe la suivait ou non puis poussa un soupir de soulagement en apercevant des plateaux-repas remplis. Elle se saisit de plusieurs hamburgers, émettant sans le vouloir un tintement sonore. C'était un couteau, qui se trouvait sur l'un des plateaux, et qui chuta vers son pied avec une vitesse surréelle. Elle n'eut que le temps de l'esquiver, choquée de voir la lame se planter dans le linoleum. Elle recula, toujours la nourriture dans les bras, semi-effrayée et son dos heurta une étagère qui se mit à chanceler...

L'étagère chancela sous les yeux des deux personnes présentes dans la pièce. Cela fit un raffut monstre, certes, mais pas autant de boucan que lorsque le meuble tout entier tomba. Cela avait commencé par les assiettes. Deux étaient tombées de chaque côté de la fille. Puis les portes contenant les couverts avaient cédés, et les couteaux et fourchettes de commencer à s'écrouler. C'est à ce moment-là que Mistigri avait effectué un plongeon de toute superbe, épargnant à la fillette de se prendre le reste du meuble sur le coin du crâne. Au lieu de cela, Mist se le pris sur l'épaule avant que ce dernier ne roule au sol, désormais inoffensif. Le garçon couina en se relevant de sur la petite fille; il s'était fait mal.

<< T'es pas du genre à jouer au héros, toi. >> Grommela Misty à l'adulte présent, qui n'avait pas bougé le petit doigt. Il regrettait d'avoir dû se mettre à découvert. Il n'y avait tout simplement pas pensé, avait agit par réflexe. Il aurait dû rester planqué. Après tout, tout le monde restait planqué. Il soupira.
Le silence s'était installé, il restait coi. Probablement que le malaise aussi s'installait car Misty se retrouva à dévisager les deux autres dans une grimace. Il remercia le ciel de ne plus être vivant, au moins n'avait-il pas à compliquer les choses en signant ses paroles. << Bon, prenez un siège, je vais vous expliquer comment ça marche ici. >> Il avait déjà vécu des situations gênantes ou complexes, mais celle-là n'était pas mal. Il prit un siège pour lui et chercha sa tablette qui se trouvait dans sa poche intérieure. L'appareil avait désormais une immense fissure le parcourant de part en part. Il l'alluma sur le fond d'écran, se trouvant être une carte. Il pointa du doigt les arbres. << Vous, vous provenez de la forêt. Par là, il y a un centre de soin, et là-bas, c'est du terrain vide. En temps normal, on incite les nouveaux à construire leur propre maison mais là... >> Il porta son regard vers Takō. << C'est bien que vous soyez à deux pour la bâtir. Enfin, à moins que vous ne comptiez dormir à la belle-étoile, mais je peux vous dire que vous êtes coincés ici pour un moment. >>

L'adulte lui faisait désagréablement penser à quelqu'un de sa connaissance. Autant dire qu'il ne l'aimait pas vraiment. Il avait désormais le don pour repérer ce genre de caractère, de ceux qui vous méprisent tant qu'ils pourraient vous tuer d'un regard. Il lui renvoya ce même air méprisant, l'espace d'une seconde, parce qu'il ne l'appréciait nullement de même, puis il tenta de reprendre son explication.

<< Y'a eu pas mal de théories, mais je pense qu'on est dans un lieu vivant. >> Non, son apparence ne le choquait pas. Quand t'as déjà fréquenté des loups-garous et des fantômes dans ta classe, c'est plutôt difficile d'être surpris par un type bleu. << Je veux dire: le village a une vie propre et il se nourrit de nos morts. Un peu comme dans une matrice, il parvient à 'simuler' nos anciens corps... Sans les pouvoirs et capacités, naturellement. >> Il avait l'impression d'être retourné à la faculté. Sauf que maintenant, c'était lui le professeur. Il regardait de temps à autre la fillette pendant qu'il parlait. Il se demandait s'il faisait les choses assez simples pour qu'elle puisse comprendre aussi. << Pour résumé, vous êtes tous deux coincés, et moi aussi, dans un organisme vivant hostile. On était beaucoup plus il y a quelques temps, mais maintenant on est plus qu'une dizaine. A cause de ça, le Village a perdu en puissance; on a même plus l'électricité. >> Mistigri soupira en mettant sa tablette en veille. La batterie n'allait plus tenir que quelques jours. << Et pour répondre à ta question. >> Et surtout vu ses propos. << Ceux qui se retrouvent ici proviennent d'un peu partout. Pas seulement ton monde, mais aussi les univers alternatifs, les autres dimensions, voir carrément d'autres plans. Tu peux voir débouler des proches autant que des aliens. >> Et ça l'avait fasciné. Au début. Puis il s'y était fait et avait même fini par regretter. << Quant à la maison... >> Il fût coupé net par une douleur dans le ventre. Portant la main à cet endroit, il trouva celle-ci trempée de sang...

Elle écoutait d'une oreille distraite, se sentait légèrement laissée pour compte. Oui; il lui avait 'sauvé la vie'. Oui; c'était gentil de sa part. Dans son coin, à ne rien comprendre à ce qui se disait, Takō mangeait un, puis deux de ces sandwichs. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas mangé...
Le couteau planté dans le sol fini par attirer son attention. Elle avait vraiment failli... Mourir encore une fois, en vrai. C'est là qu'elle l'entendit dire un truc intéressant. Le village avait besoin de sacrifices pour gagner en puissance. Ca, elle le comprenait bien. Et, au final, il avait besoin de tuer. Oui, elle n'était pas si idiote que ça, sa tante avait beau dire... Et ça tombait bien car Takō, elle s'y connaissait en tuerie.

Elle avait ramassé le couteau et s'était approché du garçon qui parlotait. Elle avait planqué la lame dans son dos et, lorsqu'elle s'était trouvée à bonne distance, elle l'avait poignardé avec rapidité et précision. Un seul coup, puis elle avait reculé doucement, lâchant soudain l'arme par terre.
Puis elle le regardait saigner, de cet air naïf et curieux qui la caractérisait.

<< Et du coup, si tu meurs, tu vas où ? >> Demanda la petite fille. << Dans un autre village ? Ou alors t'es fichu ? >>

<< Et du coup, si tu meurs, tu vas où ? Dans un autre village ? Ou alors t'es fichu ? >>

C'était de sa faute. Il s'était montré, il leur avait expliqué. Lui et sa grande g...  Qu'avait-il à jouer le gentil ?! Il aurait dû les laisser crever.
Attrapant par réflexe sa tablette, il en retira le cache de sa main valide, celle qui n'était pas occupée à retenir le sang qui lui dégoulinait sur les cuisses. Il en sorti une aiguille à raccommoder à laquelle du fil était déjà attaché.
Il avait jeté sa chaise et s'était reculé de quelques pas, de quoi maintenir une bonne distance entre lui et la mioche. Cet air cinglé qui l'éclairait... Elle ressemblait terriblement à une Mare. Un sourire un peu insane recouvrit les traits du garçon. Il avait directement exclu que ces deux-là venaient de son monde, mais si elle provenait d'un univers un tant soit peu proche du sien... Il n'y avait nul doute sur la démence de la gosse. Un véritable danger public.

<< Si je meurs... >> Reprit Misty, cherchant autour de lui de quoi se défendre. << Je me demande à quoi va te servir ma réponse car tu vas vite l'oublier. >> Une ouverture, la rendre interdite, assez pour lui balancer... N'importe quoi.
Il était mieux à manier les armes à distance. Un pistolet, de ses mains tremblantes, restait ce à quoi il était le plus à l'aise. Mais un couteau fera l'affaire. Ce couteau qu'elle avait jeté à terre. Désormais trop loin de lui. Il devrait se jeter à terre pour l'obtenir et la petite n'avait eu qu'à suivre son regard pour deviner ses intentions.

Il allait crever. Pour la quarantième fois en quelques mois. Ca allait faire un mal de chien. Il allait souffrir. Ça allait peut-être même prendre des jours. Et puis il allait revenir au point de départ.
Il ne pourra pas atteindre le couteau à temps. Par contre, l'étagère de présentation à côté de la gamine... Connaissant le lieu, il suffirait d'une secousse pour qu'elle s'écroule, transperçant le danger sur pattes de fragments de verre. Les sourcils froncés, Mist se dit que c'était lui ou elle. Il serra son aiguille et son fil dans le creux de sa main.

Quelqu'un entrant dans le restaurant fit la parfaite diversion. Il eut tôt fait de foncer vers le meuble pour le jeter sur celle aux yeux violets. Il s'assura qu'elle n'était plus un danger avant de faire face au nouveau venu. Encore un inconnu.

<< Le Village se remplit, on dirait... >> Mes condoléances.

Elle avait pas vu l'étagère de présentation, ne l'avait remarqué au moment où il s'écroula sur elle dans un fracas. Elle avait été fière de sa connerie, maintenant, elle l'était un peu moins. Ensevelie, en train de cracher du sang par tous les orifices possibles, elle n'arrivait même plus à bouger tant les fragments lui tranchaient chaque centimètres de son corps.

Et ça faisait mal à en mourir. Et elle aurait souhaité en mourir. Pleurnichant nerveusement, hurlant à l'aide dans la panique et gémissant, tentant par réflexe de se débattre ce qui ne faisait que la planter plus profondément, Takō se trouvait dans une situation cauchemardesque. Elle qui avait vu sa première mort se faire de manière bien trop rapide, pouvait maintenant profiter d'une lente agonie dans toute sa splendeur. Personne pour lui répondre, bien sûr, ou pour la sauver. Un morceau de l'étagère l'avait transpercé de part en part, elle sentait une sensation glacée à l'intérieur de son ventre. Elle était littéralement clouée au sol.
Si elle avait pu remonter le temps de quelques secondes, si elle avait pu esquiver ça... Et maintenant ?! Elle allait mourir ?! Elle allait disparaitre à jamais ! Sans plus revoir son frère, sans plus revoir son Prince Charmant ! Elle était toute seule, comme elle l'avait toujours été et elle allait mourir... Non ...? Non ! C'était hors de question ! Elle ne se laisserait pas abattre là !

Pourtant, malgré les beuglements, malgré les gestes inconscients d'une petite fille se débattant pour se sortir de là, rien n'y faisait. Et sa conscience déjà se troublait alors que le sang envahissait, à force de mouvements par trop brutaux, ses poumons et sa gorge.